Histoire, Art & Architecture

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La renaissance des appartements des comtes de Sarcus

vue panoramique sur le salon sarcus tapissé en lais de papier rouge et meubles 1830

Si après les Bussy-Rabutin, beaucoup de propriétaires s’attachent à conserver le décor XVIIe, Jean-Baptiste César de Sarcus est un de ceux y ayant le plus contribué. Passionné d’histoire, cet amateur du XIXe siècle restaure les appartements du Grand Siècle, tout en s’attelant à l’aménagement et la décoration de sa propre aile, davantage vouée à la vie quotidienne. Partants pour une immersion au temps des Sarcus ?

Les chantiers de restauration

Si Jean-Baptiste de Sarcus commande la conservation de la partie XVIIe, ses espaces de vie, quant à eux, n’ont pas le même destin et connaissent une lente détérioration au fil du XXe siècle.
Une première restauration dans les années 1970 permet de réaménager et retapisser les pièces de l’étage : il s’agit d’une commande de support de l’État aux grandes manufactures textiles en difficulté à cette époque. C’est ainsi que l’antichambre et la chambre de Monsieur furent retapissées par la manufacture Operkampf (selon des cartons des années 1830) et la chambre de Madame par la manufacture Braquenié avec cette splendide indienne à l’arbre de vie dont le seul autre exemple se trouve au château de Borely.
Il faut néanmoins attendre presque 50 ans pour qu’une seconde campagne de restauration voit le jour en 2019. Faisant suite à la première édition du Loto du Patrimoine-Mission Bern de 2018 où le château avait été classé comme « monument en péril » (sic), l’État choisira de lancer un important chantier mené par le Centre des monuments nationaux avec le soutien du ministère de la Culture, du plan de relance du gouvernement et de la région Bourgogne Franche-Comté.
C’est ainsi qu’entre 2019 et 2023, de grand travaux d’assainissement (curage des douves, abaissement de leur niveau et reprise des drains hydrauliques) puis de restauration furent lancés afin de redonner leur splendeur d’antan à l’aile du XIXe siècle.

S’inspirant de l’inventaire de 1832 de Jacques Dorneau, propriétaire précédant Jean-Baptiste de Sarcus, le département des collections du CMN est allé puiser dans le Mobilier national, dans les fonds de certains musées français (Musée de Beaux-Arts de Dijon ou de Nice par exemple) et dans les collections du château pour remeubler ces pièces. L’objectif est multiple : donner une impression de quotidienneté tout en montrant de manière visuelle le passage de l’aile artistique du Grand Siècle, à l’aile davantage quotidienne marquée par les différents styles décoratifs du XIXe siècle.
C’est ainsi que le vestibule, le salon, la salle à manger ainsi que la cuisine, l’office et le fruitier ont pu retrouver leur aspect d’origine.
 

Restauration du poêle en terre cuite de la salle à manger XIXème

David Bordes / Centre des Monuments Nationaux

L'amélioration du confort et de l'articulation des espaces

Au XIXe siècle, les pièces prennent peu à peu la fonction qu’on leur attribue aujourd’hui. Parallèlement, se développe particulièrement la notion de confort, accompagnée d’une nouvelle articulation des espaces. En ça, l’Aile Sarcus s’inscrit parfaitement dans son temps. En effet, les espaces domestiques tels que la cuisine ou l’office sont reportés dès le XVIIIe siècle dans l’aile du château, alors qu’elle se situait avant au sein du corps de logis. Cela sert alors de démarcation physique et sociale entre l’espace dédié aux maîtres de maison, et celui dédié aux domestiques.

Cette séparation est aussi à mettre en corrélation avec l’apparition de la notion de confort, apparue à la fin du XVIIIe siècle, ainsi qu’avec la notion d’intimité, apparue quant à elle au XIXe siècle.
Si avant cette période les pièces mêlent les fonctions, faisant de la chambre, par exemple, un espace social en soi, l’avancée sociétale contemporaine implique une plus nette démarcation des lieux. Le cas des chambres des époux en est un parfait exemple : elles ne servent plus à se montrer, mais sont consacrées à l’intimité du maître ou de la maîtresse de maison. D’ailleurs, au sein des hautes sphères de la société, les conjoints dorment dans deux pièces distinctes, ce qui changera au XXe siècle avec l’apparition de la chambre parentale !

vue de la cuisine du XVIIIe siècle depuis la salle des bains.

©David Bordes / Centre des Monuments Nationaux

Retour vers les Sarcus

Et si le temps d’un instant, pendant votre visite, vous mettiez vos pas dans ceux du comte Jean-Baptiste de Sarcus tout à la fois érudit, artiste, archéologue et historien, comme la bonne société du XIXe le prône. 
Vous attendez vos amis dans le salon pour une soirée de discussion. Ils arrivent peu à peu, passant par le vestibule de faux marbre rose…cependant, avant de vous rejoindre, certains, intrigués, se dirigent au fond du couloir afin de visiter le boudoir. Celui-ci est constellé de peintures : vos invités comprennent que vous êtes un fervent amateur d’art ! Une fois réunis, la soirée se passe sans accrocs…Puis vient l’heure du dîner. Vous sentez l’odeur des différents mets, peu à peu rapatriés de la cuisine à la salle à manger par les domestiques. Vous passez alors à table dans la pièce attenante : autour de la grande table, vous concentrez l’attention de la tablée sur la statue d’Hébé, trônant sur le poêle.

Une fois le repas terminé, et vos amis congédiés, il est temps de vous rendre à vos appartements. Vous prenez l’escalier central, jetez un œil curieux vers l’Aile XVIIe, espérant y voir le fantôme de Roger de Bussy-Rabutin…avant de vous rendre dans votre chambre, vous passez par l’antichambre, magnifiquement décorée de peintures.

Après une heure passée dans votre chambre, vous ne trouvez pas le sommeil : vous vous décidez alors à passer la nuit dans votre bureau. Pour ne pas gêner votre épouse, vous ne traversez pas la Chambre de Madame, mais passez par le vestibule attenant à votre chambre et à l’antichambre afin de vous rendre à votre étude. Vous voilà dans votre pièce favorite : en bon érudit, vous passez la nuit à la lecture de vos  ouvrages favoris !

Détails de la chambre de Monsieur : tapisserie Oberkampf

©David Bordes / Centre des Monuments Nationaux

Le bureau Sarcus, un exemple d'émulation érudite au XIXe siècle

Au XIXe siècle, être un homme complet rime avec la maîtrise de plusieurs compétences, et surtout avec une grande connaissance. Jean-Baptiste César de Sarcus était à ce titre un amateur, historien, peintre, botaniste et même un archéologue : en cela, il représente l’aristocrate éduqué par excellence.
Au sein de l’aile Sarcus, une pièce en particulier est révélatrice de cette culture érudite : il s’agit bien sûr du bureau de Monsieur.

Ce siècle est celui de la théorisation et de l’inventorisation de disciplines différentes, et le comte de Sarcus est un parfait exemple de cette émulation érudite. Il faut cumuler les savoirs. La figure du connaisseur apparait : c’est un savant, un éclairé, qui s’attache particulièrement à l'étude des beaux- arts…cette notion se rattache également à celle de l’érudit. De plus, ces deux concepts s’accompagnent généralement de la notion de collectionneur…ce qu’était aussi Sarcus !

En cela, le bureau d’érudit, comme celui du château de Bussy-Rabutin, est à placer dans la continuité du cabinet de curiosités de l’époque moderne : tous les savoirs, ceux du macrocosme doivent être rassemblés en un microcosme, en l'occurrence dans le cabinet ou le bureau.

détail du bureau du comte de Sarcus : sol en tommettes rouges où se trouve dans un coin un bureau des années 1830 et une chaise tapissée en vert

©David Bordes / Centre des Monuments Nationaux

La collection de peintures des Sarcus

Jean-Baptiste de Sarcus, amateur d’art et peintre lui-même, collectionne les œuvres d’art. Beaucoup d’entre elles sont aujourd’hui exposées dans l’antichambre de l’étage : paysages de peintres de la région, marinières, natures mortes, scènes religieuses, portraits…tout y est ! Cependant, quelques tableaux sortent du lot comme :

•    La Belle Vénitienne, huile sur toile attribuée à un peintre vénitien du XVIe siècle…on raconte que les comtes de Sarcus l’ont acheté 25 000 francs, pensant acquérir un Titien, ce qu’il n’était pas comme l’ont démontré les récentes analyses ! 
•    Le majestueux portrait de Madame de la Peyrière, peint par Dubufe qui interpelle chaque visiteur par sa beauté contemplative !

Et nous ne pouvions par terminer sans évoquer L’Homme aux Gants Gris : huile sur toile exécutée par Hyacinthe Rigaud en 1688. Elle représente Everhard Jabach, ami du peintre, et banquier. Les deux hommes furent liés pour leur passion commune pour Van Dyck, dont   se fait d’ailleurs sentir dans le portrait exécuté par Rigaud. De même, les deux hommes sont liés au pouvoir royal : alors que Jabach est un des fournisseurs d’art de Louis XIV, Hyacinthe Rigaud est connu pour sa fidélité à la dynastie des Bourbons - ce dernier est d’ailleurs particulièrement reconnu pour ses portraits de Louis XIV.
L’Homme aux Gants Gris a été acquise par les Sarcus en vente publique. Par l’obtention et l’exposition de cette œuvre, nous pouvons voir dans le choix des Sarcus une continuité avec l’histoire de Roger de Bussy-Rabutin, dont la relation avec ce même Louis XIV était si complexe !

Envie d’en savoir plus sur les tableaux du château ? Rendez-vous au château pour les contempler après  avoir parcouru le dossier sur cette collection étonnante !

L'homme aux gants gris de Hyacinthe Rigaud, portrait d'Everhard Jabach

Benjamin Gavaudo / Centre des Monuments Nationaux