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Deux portraits de la duchesse de Fontanges

Partez à la découverte du "plus bel œil qu’on ait jamais vu" selon Roger de Bussy-Rabutin.

Présentation de l'oeuvre

École française du XVIIe siècle, Marie-Angélique de Scorailles de Roussille, duchesse de Fontanges. Huile sur toile, 55 x 50 cm. Château de Bussy-Rabutin

© Benjamin Gavaudo / CMN

 

École française du XVIIe siècle, Portrait présumé de Marie-Angélique de Scorailles de Roussille, duchesse de Fontanges. Huile sur toile, 41 x 32,5 cm. Château de Bussy-Rabutin

© Benjamin Gavaudo / CMN

 

La duchesse de Fontanges (1661-1681) est l’une des dernières favorites du roi Louis XIV. Introduite à la cour par son cousin, elle devient l’une des dames d’honneur de la princesse Palatine, belle-sœur du roi et épouse de Monsieur, ce qui est un rang important pour les dames de la haute noblesse. C’est Madame de Montespan qui l’introduit auprès du roi, sans se douter qu’elle prendrait une place si importante.

En tant que favorite, elle obtient de nombreux privilège, mais sa chute est aussi rapide que son ascension : après une grossesse difficile et la mort de son fils, elle tombe en effet malade. A seulement dix-neuf ans, la jeune femme meurt dans un couvent. L’affaire des poisons, qui éclate à ce moment-là, rend sa mort suspicieuse et coûte à Madame de Montespan sa place de favorite, puisqu’elle est accusée de l’avoir empoisonnée.

Dans son Histoire Amoureuse des Gaules, Bussy-Rabutin parle notamment de la beauté de la jeune duchesse, dans le chapitre intitulé « Le Passe-Temps royal, ou les Amours de Mlle de Fontange » (t. II du manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale) : « elle a le plus bel œil qu’on ait jamais vu ; sa bouche est petite et vermeille, et son teint et sa gorge sont admirables ; mais ce qui me charme davantage, c’est un certain air doux et modeste qui n’a rien de farouche ni de trop libre. » Et de conclure : « Si nous faisons un juste parallèle du mérite de notre héroïne avec les qualités de celles qui l’ont précédée dans son emploi, nous trouverons que sans le secours de sa beauté elle les surpasse toutes. »

Il s’agit ici du premier portrait en buste de la duchesse de Fontanges conservé dans les collections du château de Bussy-Rabutin, car il en existe un second, acquis par le Comte de Sarcus au XIXe siècle comme étant le portrait de la duchesse de Fontanges, et qui ne figurait pas dans les collections initiales de Roger de Bussy-Rabutin. Ce second portait est douteux, car la physionomie de la duchesse de Fontanges devient de plus en plus incertaine au gré des copies successives. Le seul élément iconographique pouvant rappeler la duchesse est sa coiffure « à la Fontanges » que toutes les femmes de la cour ont imitée après elle.  D’un simple nœud relevant les cheveux bouclés sur le dessus de la tête, la coiffure « à la Fontanges » se transforme en échafaudage de boucles, complété ensuite de bonnets.

En raison de sa prématurée et soudaine disparition, il n’existe qu’un seul portrait exécuté à la demande du roi et avec certitude du vivant de la duchesse de Fontanges par Pierre Mignard, alors peintre officiel de la cour de Louis XIV. Ce portrait, aujourd’hui disparu (voir la notice concernant le portrait de Mlle de Fontanges dans les collections du château d’Aulteribe) est décrit par Simon-Philippe Mazière de Monville : « [Pierre Mignard] avait fait aussi le portrait de madame de Fontanges, et le Roi lui-même n’avait pas trouvé que le Peintre eût rien diminué des charmes de cette belle personne ». Un inventaire des tableaux du roi, rédigé en 1709 et 1710, confirme sa présence à Versailles : « Portrait de Madame de Fontanges, vestue d'un manteau bleu, assise et appuyée sur un carreau de velours cramoisi, tenant des roses et une anémone dans ses mains ; figure comme nature ; ayant de hauteur 3 pieds 3 pouces, sur 3 pieds 9 pouces de large ; de forme ovale, dans sa bordure dorée ». Le portrait d’Angélique de Fontanges figure toujours dans des inventaires postérieurs. Cependant, en dépit d’une description que l’on pourrait croire relativement précise, le marché de l’art offre de nombreux tableaux qui correspondent plus ou moins au modèle décrit.

Dans le portrait conservé au château de Bussy-Rabutin, la couleur des cheveux étonne, car la duchesse est en réalité blonde, avec des reflets dorés et cuivrés, un blond dit « vénitien », alors que celui de Bussy la représente manifestement brune. La duchesse offre un large décolleté garni de dentelles, parée d’un manteau bleu brodé d’arabesques d’or, très à la mode sous le règne de Louis XIV. La coiffure n’est pas celle attendue, puisqu’elle ne porte pas la « coiffure à la Fontanges », relevée au-dessus de la tête, qui la rend célèbre par la « tendance » qu’elle suscite au sein de la cour de France. Cette mode naît après que la favorite, qui accompagne le roi dans une chasse, trouve sa chevelure prise dans les branches, et qui, décoiffée, plaît à Louis XIV la trouvant « charmante ». Dès le lendemain, toutes les dames de la cour adoptent cette nouvelle coiffure, en vertu du simple mais royal compliment rapporté pour une jeune femme possiblement influente auprès du souverain.

De nombreuses similitudes existent avec le portrait de Bussy et l’estampe de Nicolas III de Larmessin (Paris, BnF) dont il est attesté qu’elle a été exécutée du vivant de la duchesse. Ce portrait est très proche de celui conservé en mains privées au château de la Baume, qui serait un portrait exécuté d’après l’original de Pierre Mignard selon ses propriétaires, mais qui ne correspond pas au descriptif de l’inventaire après décès de Pierre Mignard, hormis dans sa forme ovale.

Si la plupart des portraits de la duchesse de Fontange sont en buste, un rare portrait équestre de la duchesse est conservé au musée du Mans. On ignore si ce portrait a bien été exécuté du vivant de la jeune femme ou s’il a vocation à illustrer l’épisode de la chasse en compagnie de Louis XV.

Oeuvre à la loupe

Pour aller plus loin

Victor Advielle, Le portrait de la duchesse de Fontanges du Musée national de Madrid et les faux portraits de la favorite, Librairie G. Rapilly, 1900, 20 p.

Patrick Daguenet, Marie-Angélique de Fontanges - La dernière passion du Roi-Soleil, Paris, Perrin, 2021.

Simon-Philippe Mazière de Monville, La vie de Pierre Mignard premier peintre du roy, Paris, chez Jean Boudot, 1730.

Lucretia de Planta, « Essai de reconstitution de la collection de Roger de Rabutin, comte de Bussy, au château de Bussy-le-Grand (Côte d'Or) », mémoire de Maîtrise, Paris IV-Sorbonne, 1989-1991 p. 59-60, 64-66, 68-69, 72-73 et 207.

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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