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Le Grand Dauphin

Découvrez le Grand Dauphin, celui qui ne sera jamais roi.

Présentation de l'oeuvre

École française du XVIIe siècle, Louis de France, dit le Grand Dauphin. Huile sur toile, 41 x 33 cm. Château de Bussy-Rabutin (Bussy-le-Grand)

© Benjamin Gavaudo / CMN

 

Le portrait conservé au château de Bussy-Rabutin, acquis au XIXe siècle par le comte de Sarcus, figure le Grand Dauphin (1661-1711), fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche, qui ne se sera jamais roi. En tant qu’héritier, représentant l’avenir de la dynastie, son portrait est largement diffusé auprès de ses futurs sujets par le biais de l’estampe mais aussi des portraits peints. La Gazette et le Mercure galant publient régulièrement des portraits flatteurs du Dauphin, à chaque âge de sa vie.

Saint-Simon, qui n’aimait pas le Dauphin, en livre un portrait-charge dans ses Mémoires : « Monsieur était sans vice ni vertu, sans lumières ni connaissances quelconques, radicalement incapable d’en acquérir, très paresseux, sans imagination, ni production […] il eût été un roi pernicieux ». Le portrait a été corrigé par l’historiographie, dessinant un homme qui s’intéresse à l’art et à la vie de cour, mais aussi à la guerre, puisqu’il combat pendant la Ligue d’Augsbourg (1688-1697). Sa mort en 1711 engendre le début d’une crise de succession pour le trône français, au moment où les héritiers directs disparaissent un à un, laissant l’arrière-petit-fils de Louis XIV, nommé Louis XV, lui succéder en 1715. Après sa mort le Grand Dauphin n’est quasiment plus portraituré. Pour son musée de Versailles, À toutes les gloires de la France, le roi Louis-Philippe commande à des contemporains artistes de nombreux portraits de personnages historiques, sans commander de portrait du Grand Dauphin.

Des sculptures du Grand Dauphin ont été exécutées de son vivant, notamment son buste par
Antoine Coysevox (Versailles, musée du château). Les peintures sont plus nombreuses, souvent copiées ou gravées. Lorsque l'image du Dauphin est jugée conforme à la représentation que l'on voulait en diffuser, le portrait fait l'objet de copies offertes à des personnalités françaises et
étrangères, ou bien sont placées dans des lieux publics facilement accessibles. Cette diffusion pour élite, dont fait partie Roger de Rabutin, est complétée par une diffusion populaire sous forme de calendrier, par le biais de l’almanach, qui se généralise sous Louis XIV. Cette profusion des images delphinales témoigne du culte voué à l'héritier du trône, ainsi qu’à ses descendants

Progressivement, le portrait militaire s’impose dans l’iconographie du Grand Dauphin. Il a été portraituré par Hyacinthe Rigaud, portrait demeuré célèbre car beaucoup reproduit par son atelier et diffusé dans tout le royaume par la gravure de Drevet. Il représente le dauphin peu avant le siège de Phillipsburg (1688) pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Celui exécuté par Pierre Mignard en 1689 le représente avec la Dauphine et leurs trois fils, dans toute sa gloire puisqu'à 28 ans, vainqueur à Philippsbourg, il a déjà donné trois héritiers potentiels au royaume.

Dans ce portrait militaire en buste, Louis de France arbore le cordon bleu de l’ordre du Saint-Esprit, plus haut rang de chevalerie en France, distinction est importante dans la construction de l’autorité militaire de la monarchie. En effet, depuis les années 1690, Louis XIV est trop affaibli et ne peut plus se déplacer sur les champs de bataille, exerçant alors une « politique de cabinet » depuis Versailles. Il envoie donc les membres de sa famille exercer l’autorité monarchique envers les troupes, sur les champs de batailles.

Quoiqu’en apparence de facture assez sommaire, on distingue bien les yeux bleus du Grand Dauphin dans le portrait conservé au château de Bussy-Rabutin. Si sa physionomie rappelle l’estampe de Robert Nanteuil, quoique nettement plus jeune, le motif de l’armure est directement repris d’un autre portrait de Hyacinthe Rigaud, en pied (Versailles, musée du château), accompagné d’un jeune hussard qui lui prépare un cheval. Les nombreuses copies des portraits de Rigaud ont sans doute permis au peintre de notre œuvre d’exécuter ce portrait en médaillon, qui retient, outre le motif de l’armure du portrait en pied de Rigaud, le contraste chromatique entre le rouge de l’habit et le bleu de l’Ordre du Saint-Esprit, distribué de manière plus synthétique dans cette version en buste grâce à un nœud de cravate rouge en directe proximité avec le cordon bleu moiré.

 

Robert Nanteuil (1623-1678), Louis de France, Dauphin, fils de Louis XIV (1661-1771), 1677. Estampe, 52 x 43,2 cm. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon

© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

 

Atelier de Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Louis de France, Dauphin (1661-1711), dit le Grand Dauphin. Huile sur toile, 119 x 90 cm. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon

© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Oeuvre à la loupe

Pour aller plus loin

Matthieu Layahe, Le fils de Louis XIV, Monseigneur le Grand Dauphin (1661-1711), Seyssel, Champ Vallon, 2013.

Hervé Pinoteau, « Insignes et vêtements royaux », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles | 2005, Online.

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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